20 Mai 2022
Nous voici à l’aune du sixième volet de notre réflexion sur l’organisation des compétences (softskills) et les liens entre elles L’importance que j’attache à cette compétence clef au sein du savoir devenir se situe au même niveau que les cinq présentées dans les volets précédents.
J’ai pour habitude de débuter par une définition même si le concept d’Intelligence Collective semble facile à comprendre. Un peu d’histoire d’abord : l’Intelligence Collective semble être apparue à la fin du 19ème siècle dans un ouvrage de Gustave Le Bon (La Psychologie des Foules) qui note les comportements différents des individus (même d’origine variée) au sein d’un groupe réuni dans une situation particulière à un moment donné. Il est alors question de psychologie de groupe. D’autres auteurs mettent en avant le fait que l’intelligence collective, à l’image d’observations réalisées sur le monde des fourmis, des abeilles, ou d’autres espèces animales, permet de résoudre des problèmes collectivement de façon plus efficace qu’individuellement. Cela introduit pour l’être humain toute l’importance de la dimension relationnelle et de la qualité de celle-ci. D’autres auteurs renvoient à cette conscience collective, qui permet la sagesse, la créativité et la performance, à la condition bien sûr (qu’on oublie souvent) d’être soi-même conscient des effets et apports de l’énergie en nous qui est déployée ; j’évoque alors la « conscience-énergie », transformation de ces prises de conscience en force, en efforts, en idées nouvelles qu’il faut partager ensuite. Par ailleurs, on a tendance aujourd’hui à associer intelligence collective et intelligence distribuée. Dans ce second cas de l’intelligence distribuée, (principalement via internet et les réseaux) cela relève souvent davantage du quantitatif que du qualitatif, sans y associer pour les acteurs des démarches de curiosité, d’engagement ou encore de réflexion critique (développement de l’esprit critique). L’agrégation des acteurs et des informations et des savoirs dans une démarche collective ne suffit pas, nous le savons. Il faut donc autre chose.
C’est ce que nous allons essayer de décrypter dans les compétences satellites que nous avons associées à l’intelligence collective.
En premier lieu, à situer dans la partie supérieure du schéma, évoquons la mutualisation et le travail en équipe ; la mutualisation est un acte de partage, permettant de passer de l’individualisme à la coopération. Partager c’est se déposséder de ce que l’on connaît, de ce que l’on a appris, afin d’en faire « profiter » autrui, ou encore un groupe. Et donc accepter de se remettre en question, ce qui suppose évidemment une certaine humilité. Se déposséder d’une idée, d’une stratégie, d’une orientation pour qu’autrui les possède à nouveau à sa manière en se l’appropriant. C’est donc en même temps faire confiance, et croire dans le potentiel de l’autre et des autres.
La mutualisation débouche nécessairement sur le travail en équipe, dans une dimension plus technique. Les moyens du travail en équipe, à partir du moment ou les acteurs y adhèrent, sont nombreux et variés et nous n’en citerons ici que quelques-uns. Rappelons pour commencer la nécessité de l’horizontalité au sein d’un groupe, reconnaissance de l’importance et du potentiel de chacun, même si fonctions et rôles sont différents. Nous citerons comme outils principaux selon les contextes la carte mentale (mind mapping), le team building, le brainstorming, le world café, la facilitation graphique… Un axe traverse ce travail collaboratif, me semble-t-il, autour de la notion de projet
En effet, la projection et l’organisation qui s’y rattache ne peuvent être dissociées de l’intelligence collective. Les fondamentaux du projet reposent dans les trois pôles du triangle une ou plusieurs idées, une équipe, et un porteur de ce projet, un « leader ». Si l’un de ces trois pôles vient à être déficitaire, le projet collectif échouera. (Idée non ou insuffisamment partagée), absence de leadership, ou encore équipe mal soudée, éclatée, perturbée par des problèmes relationnels. La méthode pour parvenir à cette projection doit ensuite déboucher sur la décision et l’action.
La transdisciplinarité est également un maillon fort de cette chaîne. En effet, comme expliqué lors du précédent volet, l’intelligence collective implique que l’on dépasse le cadre unique de ses connaissances et compétences pour deux raisons :
La créativité à laquelle nous avons consacré le deuxième volet de notre réflexion, est une de ces compétences clefs recherchées par l’entreprise. L’association intelligence collective/créativité, reliée à la mutualisation, au travail en équipe, au projet, à l’organisation et à l’ouverture, correspond à la définition personnelle donnée dans ce volet : « La créativité est la capacité de percevoir le monde sous de nouveaux angles, d’une façon personnelle ou collective différente, de trouver des modèles cachés, d’établir des liens entre des choses apparemment distantes et de générer des solutions innovantes.
Le Savoir Vivre dans l’intelligence collective (mais aussi associé à d’autres compétences) constitue un aspect incontournable du bon fonctionnement collectif. Je l’avais inscrit dans les compétences sociales au sein du schéma du savoir Devenir. Cela inclut le Respect et la Citoyenneté entre autres, et d’autres compétences relationnelles en lien avec l’intelligence émotionnelle (empathie, écoute active, maîtrise de soi) ainsi que l’interculturalité…
Je m’attarde quelques instants sur la citoyenneté, alliant les valeurs que sont le respect, le sens des autres, le sens du devoir. Elle sous-tend également des valeurs comme l'honnêteté, la transparence. Elle repose également sur l’engagement, la participation à une action collective, en rapport avec des valeurs partagées. Je la situerai à trois niveaux :
Enfin, pour clore ce tour d’horizon, j’ajouterai l’Interculturalité, (déjà évoquée dans le « apprendre à apprendre ») comme compétence importante à associer à l’intelligence collective. La définition la plus fidèle se situe autour de « Ces expériences visant à établir une reconnaissance, puis un dialogue et un enrichissement réciproque des cultures. Il s'agit de dépasser les stéréotypes attachés à la vision des autres, des étrangers, considérés comme des populations sans culture digne de ce nom ou, au contraire, aux particularismes culturels et raciaux trop marqués » (Larousse). L’interculturalité englobe selon moi trois aspects qui s’imbriquent :
J’ai représenté une bonne partie interactions entre ces compétences dans le schéma ci-dessus, ce qui permet de voir comment une compétence comme l’Intelligence Collective, décrite comme si importante dans la perspective de l’Education et la Formation tout au long de la vie, apparait fondamentale. Ce schéma organisationnel est bien sûr destiné à donner toute sa cohérence au Savoir Devenir, montrant une nouvelle fois la complexité de l’approche de la Formation globale de la Personne à l’école ou en entreprise. Lire les cinq volets précédents.
Dominique GEIMER
Mai 2022