Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
savoirdevenir.over-blog.com

Education universelle, formation, innovation, recherche en éducation, connaissance, savoir devenir, compétences douces (soft skills)

Comment les softskills ne sauraient être envisagées séparément : Apprendre à Apprendre (Volet 5)

Schéma Apprendre à apprendre et ses compétences satellites

Schéma Apprendre à apprendre et ses compétences satellites

Beaucoup seront peut-être surpris de voir le « Apprendre à Apprendre » être envisagé comme compétence. La réflexion que j’ai engagée sur cette compétences et les nombreux articles lus me font dire plus que jamais à quel point celle-ci est importante, au même titre que les quatre présentées dans les volets précédents.

Une définition du « Apprendre à Apprendre » s’impose : selon la Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 sur les compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie il s’agit de « l’aptitude à gérer efficacement soi-même son apprentissage, à la fois de manière individuelle et en groupe ». Cette définition peut être élargie à deux aspects : d’une part la connaissance qu’on peut avoir de processus cognitifs, d’opérations mentales nécessaires pour accomplir une tâche, et d’autre part la capacité à utiliser cette connaissance ou compétence lors de l’accomplissement de la tâche (prise de conscience de mise en action).

D’autres parlent de la « capacité de poursuivre et de persévérer dans l’apprentissage, d’organiser son propre apprentissage » (Rana Ramjaun) Certains assimilent le apprendre à apprendre à la métacognition, concept plus en lien avec le fonctionnement mental. Jacques Tardif la définit comme « se référant à la connaissance ainsi qu'au contrôle que le sujet a sur lui-même et sur ses stratégies cognitives."

Au-delà de toutes ces définitions, il apparaît clairement que le lien avec les modalités et les conditions d’apprentissage sont sous-jacents. La formation tout au long de la vie le milieu de éducation ont encouragé les recherches de la psychologie cognitive et des neurosciences, et progressivement dégagé une conception de l'apprentissage, centrée sur l’apprenant. Cette approche est basée sur les théories de l'activité mentale et donc du cerveau qui travaille, dans laquelle l'action, la réflexion, et la collaboration avec autrui, constituent des éléments essentiels à l'efficacité de l'apprentissage. Quelques principes ressortent : par exemple, l’engagement actif dans une tâche permet le « mouvement » du cerveau.

Pour bien apprendre, le cerveau doit revisiter ses schémas mentaux et les modifier éventuellement. La reformulation en mots ou en pensées ou tout autre mode d’expression donne du sens à celui qui apprend selon Stanislas Dehaene. Pour aller plus loin, comme je l’ai déjà écrit, le cerveau participe à cette expérience de création de sens, unique car personnel, mais qui doit passer par le test de la compréhension d’autrui.  Tout apprentissage se réalise par essai/erreur. La praxis révèle ses erreurs, ses blocages, les pistes suivies. Ces allers et retours entre la mémoire et l’action conscientisées sont nécessaires et incontournables afin d’avancer et ne pas reproduire les mêmes erreurs. La consolidation est une condition indispensable à l’acquisition

Chacun d’entre nous dispose d’un potentiel. Mais il faut en être conscient ! La compétence Apprendre à apprendre agit comme un booster qui aide chacun à devenir dans ses aptitudes et ses connaissances, mais à la condition d’être au service d’un véritable projet d’apprendre.

J’ai relevé neuf « satellites » gravitant autour du apprendre à apprendre, et mettrai l’accent sur seulement six softskills, les autres ayant déjà été abordées dans les quatre premiers volets autour des softskills étudiées.

J’ai mentionné en haut de ce schéma la prise de conscience. En effet, nul ne peut se substituer à quiconque dans la prise de conscience de ses apprentissages, dans la manière dont chacun appréhende un geste, un concept, une expérience, une langue, un vocabulaire. C’est bien là la difficulté que tout formateur ou enseignant rencontrent, et c’est en même temps le pari, la tentative de comprendre ce qui se passe dans la tête de l’autre. D’où l’importance de trouver et d’utiliser des déclencheurs de prise de conscience pouvant faciliter l’entrée dans cet apprentissage.

L’autonomie me semble être ensuite une compétence importante totalement relié à au apprendre à apprendre. En effet ces deux compétences sont étroitement reliées. Pour Françoise Blin, l'autonomie se définit "comme une approche éducative qui [...] permet aux apprenants de prendre la responsabilité et le contrôle de leur apprentissage, et qui les aide à évoluer progressivement d'un état de dépendance vis-à-vis de l'enseignant à un état d'indépendance et d'interdépendance.[...] Une formation autonomisante devra donc développer la capacité à être autonome: apprendre à apprendre, à construire des savoirs et savoir-faire langagiers et à collaborer en seront les éléments clés."

Monique Linard (2003) définit l’autonomie comme « une capacité de haut niveau, cognitive mais aussi psychologique et sociale, qui implique des qualités d'attention, d'autocontrôle, d'intelligence, de confiance en soi et de relation que peu d'individus possèdent ensemble à l'état naturel ». On voit bien à travers cette définition combien l’autonomie (ou le processus d’autonomisation comme je préfère le décrire) fait appel à des niveaux très interactifs et interdépendants de la construction de la personne

Le second élément satellite concerne ce que j’ai appelé apprendre à apprendre et devenir. Autour de cette notion, il est question tout simplement, de bonheur, de bienêtre. En effet il paraît évident que l’épanouissement a tendance à se produire lorsque nous connaissons le succès, mais aussi lorsque nous développons en permanence nos compétences, nos capacités, que nous les renouvelons et adaptons à de nouveaux contextes. L’apprentissage et le savoir apprendre en effet contribuent pleinement à la responsabilisation, à travers la capacité d’autodétermination (décision, choix), de confiance en soi, de résilience ou encore d’ouverture sur le monde, de curiosité et d’envie d’apprendre. Equilibre personnel et professionnel au rendez-vous grâce au développement d’attitudes et capacités, permettant d’éviter de stagner, de rester dans la routine…

Ensuite la notion de feedback est une des composantes essentielles de la prise de conscience de ses apprentissages. Le feedback désigne un retour sur une expérience, une forme de bilan que l’on tire ensuite afin de pouvoir modifier une action, un comportement, une attitude. C'est une sorte de retour vers le futur. Revenir sur un événement passé, conscient de son maintenant pour modifier l’après si nécessaire. Sans détailler les différentes formes de feedback, nous soulignerons que e feedback est une chose qui dans le « apprendre à apprendre », se reçoit, se donne, et se nourrit en permanence de cet échange et interactions entre émission et réception. L’importance de la connaissance de soi, de son fonctionnement mental, de ses émotions en situation d’apprentissage ou de réalisation d’une tâche sont des éléments facilitateurs pour s'y préparer et réaliser ce retour sur les faits et sur soi-même. Le feedback est aussi un exercice de communication/relation, consommateur de temps autant pour l’émetteur (enseignant, manager…) que le récepteur (élève, étudiant, collaborateur…) Faciliter la parole, offrir une écoute active, pratiquer la reformulation, faire preuve d’empathie pour un échange authentique.

Un quatrième élément satellite a trait aux biais cognitifs, et en lien avec ce phénomène, le développement de la prise de recul et de l’esprit critique. De qui parle-ton ? Les biais cognitifs sont définis comme « une déviation dans le traitement cognitif d'une information. Le terme biais fait référence à une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. » (Wikipédia). Cela provoque une altération du jugement, influence les choix, les décisions et les actions qui peuvent en découler. Si le développement de l’internet et des réseaux sociaux contribue à leur accentuation, ce phénomène existe déjà depuis sa mise en lumière par la psychologie cognitive au début des années 1970.

Deux cent cinquante biais cognitifs sont référencés, et nous n’en dresserons pas la liste ici. Ils sont généralement classés en six catégories : Les biais sensori-moteurs (aussi appelés illusions) lorsque le système visuel décrypte mal les informations qui lui parviennent. Les biais attentionnels quand notre cerveau traite différemment certaines informations en fonction de nos préoccupations ou encore de nos centres d’intérêt. Les biais mnésiques sont en relation avec le traitement des souvenirs : la façon dont ils peuvent être retraduits ou morcelés, notamment sous l’influence des émotions. Les biais de jugement sont très nombreux. Parmi les plus courants, nous en citerons deux : le biais de confirmation qui privilégie les informations qui confirment nos idées préconçues ou nos hypothèses, ou encore le biais d’ancrage consistant à être influencé par sa première impression. Les biais de raisonnement, erreurs d’analyse qui nous entrainent à préférer les éléments qui confirment plutôt que ceux qui infirment une hypothèse ou encore à considérer certains éléments comme généralisables. Et enfin Les biais liés à la personnalité, qui sont en lien avec chaque personne, sa culture et ses habitudes et ses traits de personnalité (optimisme ou pessimisme exagérés par exemple).

On voit bien comment ces biais cognitifs, si l’on n’y prend pas garde viennent perturber les apprentissages, l’affectif, les émotions, et au bout du compte le discernement. Il est là encore important de réaliser les prises de conscience de son fonctionnement mental au travers le repérage des situations, des personnes, des expériences passées propices à déclencher des erreurs d’appréciation et de jugement.

Enfin je terminerai en évoquant les deux compétences satellites que sont l’interculturalité et la transdisciplinarité.

Les compétences interculturelles forment un élément très important de la chaîne « apprendre à apprendre ». Elles s’acquièrent, tout comme la majorité des softskills, tout au long de la vie. La réalité du métissage, du brassage des religions, croyances et cultures, aussi bien à l’école qu’en entreprise, nous invitent à regarder ces compétences avec de plus en plus d’intérêt. Un certain nombre de programmes européens de séjours, stages, à l’étranger, sont porteurs de cette prise de conscience de ce qu’est l’interculturalité. L’apprentissage d’une langue étrangère y contribue également, particulièrement lorsqu’il s’appuie sur l’immersion. Mais on se rend compte que cette compétence « interculturalité » fait appel à de nombreuses autres compétences comme la curiosité, l’ouverture d’esprit, la tolérance, le savoir vivre, l’adaptabilité, la stabilité émotionnelle, la capacité à entrer en relation, et l’acceptation de la différence. Beaucoup de compétences inscrites dans le Savoir Devenir.

La transdisciplinarité est également un maillon fort de cette chaîne. En effet, si apprendre oblige à des comportements et des attitudes facilitateurs, apprendre à apprendre permet de dépasser le cadre unique de ses connaissances et compétences sous deux aspects :

  • Le premier concerne la capacité à se dire que l’on ne peut être expert en tout, et donc qu’il faut essayer de faire preuve de l’humilité nécessaire pour reconnaître ce besoin d’expertise externe.
  • Le second concerne une vision globale nécessaire pour aborder et inclure si nécessaire des champs conceptuels, nouveaux et élargis. Beaucoup d’innovations naissent dans ce contexte d’interdisciplinarité.

Je ne développerai pas ici la compétence « intelligence collective », étant donné qu’elle sera au centre du volet n°6 de notre réflexion, avec tous les satellites qui gravitent autour d’elle.

J’ai représenté ces interactions dans le schéma ci-dessus, ce qui permet de voir comment une compétence, décrite comme si importante dans la perspective de l’Education et la Formation tout au long de la vie, apparait fondamentale. Des parcours de formation spécifiques et interconnectés peuvent se construire à partir de ce schéma organisationnel.

Dominique GEIMER

Mai 2022

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article